Même si je ne l’ai pas reçue en intraveineuse cette drogue, elle me coule dans les veines depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Et, sans doute par manque de protection et de prudence, je l’ai à mon tour transmise à ma fille.
Tu n’as pas idée à quel point cette bibitte me chatouille les entrailles, sans relâche, jusqu’à ce que je mette à naviguer à nouveau pour trouver la prochaine destination. Comme si ce besoin de découvrir, d’aller à la rencontre de l’autre bout du monde était ma maison et que je rentrais ici simplement faire escale entre deux espaces-temps.
Toi, oui, oui, toi qui me lis ?
Je sais que tu comprends. Ou si ce n’est pas le cas c’est que tu as la chance d’être immunisé ou de ne pas avoir été en contact avec cette drogue puissante, qui elle, n’est jamais en rupture de stock à aucune SQDV (Société québécoise des voyageurs). L’enjeu c’est de trouver le temps et l’agent nécessaires à sa consommation. Oh combien de beaux divans et de belles maisons sont restés dans les catalogues afin de me permettre de me promener sur les courbes enivrantes du globe.
La première dose reçue je ne m’en rappelle pas. Je devais avoir à peine quelques mois. Mais je sais que dès ce moment plus aucune guérison n’était possible. Mon père m’a légué ce besoin intrinsèque de caresser la Terre, d’Est en Ouest et du Nord au Sud.
J’ai cependant développé une protection bien à moi pour ralentir un peu mes ardeurs. Je n’ai créé aucune relation d’amitié avec l’avion. Pour moi il est un mal nécessaire. Il me fait peur, il me fait mal, bref je ne l’aime pas. Mais comme c’est bien difficile de se rendre en Europe ou en Afrique en train… Disons que ce manque d’affinités que nous partageons, espace un peu nos rencontres. Jusqu’au moment ou le manque d’air se fait ressentir si fort que je danse un tango endiablé avec cette carcasse volante histoire d’assouvir mon besoin.
Je ne sais pas quel sera mon prochain rendez-vous, ni avec qui. Peut-être avec moi ? Mais déjà les effets du sevrage se font sentir et j’entends l’écho de l’appel de l’ailleurs…
Alors bonne année mes amis et que celle-ci vous préserve de la drogue de la découverte, du voyage, de la curiosité, du besoin de l’ailleurs… Et qu’elle vous garde tranquille dans vos pantoufles au coin du feu…