
Je n’ai jamais trop voulu parler de mon « problème ». D’abord c’est pas très sexy et les gens te regardent avec des grands yeux, sans trop comprendre, l’air de dire « ça tourne pas rond dans sa tête… » Du moins, c’est la perception que j’en ai.
Pourtant, une aventure vécue hier soir me pousse à sortir du placard. Si mon témoignage peut aider ne serait-ce qu’une personne, alors ça aura valu la peine de me mettre à nu.
Petite mise en contexte. Je suis une fille qu’on dit courageuse, sûre de moi, indépendante et toujours prête à m’investir et à découvrir le monde. J’ai quitté le nids familial à seize ans tant les fourmis me chatouillaient les jambes pour que j’avance. J’ai parcouru une bonne partie du globe et parfois en solo. Rien n’était à mon épreuve. Que ce soit traverser le plus haut pont suspendu du monde au dessus d’un ravin ou aller à la découverte de l’autre dans n’importe quelle partie du monde.
Mais voilà que tranquillement, comme un voleur qualifié, autour de mes 25 ans, un mal est venu me courtiser et a réussi peu à peu à me griser pour finalement m’envahir complètement. Ce mal, c’est la claustrophobie : « La claustrophobie est la peur des espaces confinés, des lieux clos, des petites pièces et de l’enfermement. » Évidemment, quand on ne le vit pas, ça semble bien anodin. Et pourtant… Je vous raconte deux petites anecdotes du début de cette emprise afin de vous faire comprendre un tant soit peu la patente…
- Début des années 90, aux Francofolies de Montréal, le premier gros show extérieur est organisé. C’est le Cirque du soleil. J’arrive tôt avec des amis et on se met à placoter. Concentrée je ne me rends pas compte de l’espace qui se rempli autour de moi. Quand je tourne la tête, ce sont des milliers de personnes qui forment un mur humain. Je panique à tel point que les policiers me font évacuer de mains en mains (oui oui, les gens me passaient au dessus de leur têtes) comme dans un show rock. Dès l’année suivante, ils ont instauré des corridors de sécurité car ce soir là, je ne fût pas la seule à sortir de cette manière…
- Deuxième indice, je visite une cave à vin en France chez des amis de mes parents et d’un seul coup, je dois absolument quitter les lieux, je manque d’air, je vais mourir. Je remonte en courant comme une folle et je m’ouvre le crâne. Bref, l’art de se faire remarquer.
Mais ce qui a réellement commencer à me mettre hors de moi, c’est quand j’ai compris que je me trouvais mille et une raison pour ne plus voyager, pour ne plus prendre l’avion. Pourtant voyager c’est mon troisième poumon. J’en ai hérité de mes parents et je l’ai transmis à ma fille.
Mais je ne voyageais plus. Ce n’était jamais le bon moment, ou encore le manque de sous, bref, je trouvais des réponses qui me permettaient de ne pas mettre mon problème en évidence jusqu’au jour où le besoin de voyager devint plus grand que la honte de n’être plus capable de le faire.
Je revois la déception dans les yeux de mon père quand j’ai essayé d’aborder le sujet avec lui… Il ne pouvait pas comprendre cette bibitte qui me rongeait par dedans…
Alors je me suis fâchée contre moi-même et j’ai essayé tout ce que je pouvais pour casser cette cochonnerie qui m’envahissait. Comme c’était psychologique et pas physique, ça ne pouvait pas être une « vraie » maladie et je pouvais donc m’en débarrasser. Bien naïve ou bien prétentieuse la fille… Bref j’ai fait de la désensibilisation, de l’hypnose, du yoga, de la visualisation « name it... » et …… RIEN n’a fonctionné.
À court d’argument, mais avec ce besoin réel de reprendre le contrôle de ma vie, je suis allée voir un psychiatre. Je lui ai demandé de me zombifier du décollage à l’atterrissage, ce qu’il a fait. Depuis j’ai recommencé à voyager et oui, je me drogue, quelques jours avant de partir. Ce n’est surement pas LA solution, mais dans mon cas, ça m’a réouvert les portes du monde… Parce que dans un avion, vous savez, y a pas grande porte de sortie…
Mais ce long long préambule m’amène à vous raconter une aventure vécue hier soir. Je devais passer une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la tête. Tous les claustrophobes du monde vous diront que ça se trouve pas mal dans le top 10 des lieux à éviter.
Ça fait donc une semaine que je dors mal parce que oui, je ne vous ai pas dis, mais quand on est claustro, on adore se faire des scénarios et commencer à angoisser sur le moment à venir bien avant qu’il n’arrive. Dès que tu mentionnes claustrophobe à un doc, il te prescrit des calmants avant la dite IRM mais je savais que ça ne servirait à rien. Ce n’est pas le premier examen de ce genre pour moi. Néanmoins, en bon petit soldat, je prends la pilule plutôt que ma « drogue d’avion » qui est un peu disons « carabinée »…

C’est le soir, très peu de monde à l’hôpital. La technicienne vient me chercher. Elle est seule pour l’examen. On essaye, le casque, elle me recule au centre de la bébelle, une fois, deux fois, trois fois, pas capable, je panique…. Elle me demande alors qui est la personne qui attend de l’autre côté. Parce qu’il faut dire que lorsqu’on prend un calmant avant un examen on ne peut pas conduire… Elle me rassure, me dit que des milliers de gens sont comme moi et qu’on va y arriver ensemble…
Elle donne une permission exceptionnelle à l’ami très cher qui m’accompagne de rester avec moi, de me tenir le bout des doigts (C’est ce qui sort de la machine, le bout des doigts…) et la jambe. De cette façon, je sais que j’ai une porte de sortie. Je sais que si je vis une crise de panique, il va me sortir de là et comme une grande, je reste une demi-heure dans le monstre afin de faire l’examen.
Ce matin, je veux remercier cet ami très cher qui est toujours là pour moi et cette jeune technicienne qui a un peu tordu les règles afin que l’examen se passe bien.
Amis claustrophobes, Si vous avez ce type de test à passer, de grâce, demandez à votre docteur de permettre l’accompagnement d’une personne de confiance et vous vous assurerez ainsi une porte de sortie et quelques cauchemars en moins.